Pendant cette émission spéciale France / Canada, Luc Poupart, le Président du réseau Via Capitale, est intervenu aux côtés de Julie Saucier, présidente de l’APCIQ (Association Professionnelle des Courtiers Immobiliers du Québec) et de Jean-Marc Torrollion en France, président de la FNAIM (Fédération Nationale de l’Immobilier) pour apporter leurs éclaircissements sur l’actualité immobilière pendant ce confinement.

Interrogés par Jean-Marc Welsch et Sylvain Lévy-Valensi de Radio Immo, les différents intervenants ont répondu aux questions que vous vous posez sur la situation actuelle, le plan de déconfinement et l’avenir auquel on doit s’attendre en France et au Québec. 

Au Québec, l’urgence de se reloger 

Pour pallier au confinement mis en place au Québec depuis le 24 mars, des outils numériques tels que la signature électronique, les formulaires en ligne et un système de visites virtuelles sont venus remplacer les méthodes traditionnelles. Ici, l’inquiétude concerne la grande proportion de personnes qui doivent se reloger rapidement après s’être engagé à laisser leur propriété. Les courtiers privilégient le développement d’une grande communication pour rassurer leurs clients et les informer de toute nouvelle. Malgré tout, certains prennent leurs dispositions face à l’urgence de la situation et échappent à la règle en mettant leurs propriétés sur le marché en dehors du courtage. Les différents acteurs de l’immobilier demandent au Gouvernement d’insister sur l’importance de faire affaire avec un professionnel, l’unique solution pour être sûr de respecter les mesures sanitaires. Heureusement, les courtiers peuvent compter sur les actions mises en place par l’APCIQ ainsi que sur la volonté de la population de stopper la propagation du virus. 

Comme les courtiers québécois sont travailleurs autonomes, et donc habitués à ne pas recevoir d’argent pendant plusieurs semaines, ils ne manifestent pas encore d’inquiétude au niveau financier. De plus, une aide gouvernementale a été mise en place pour soutenir les agences. 

 

En France, des retards dans l’informatisation des acteurs 

En France, les démarches commerciales sont suspendues depuis le 15 mars. 

Les courtiers, qui sont pour la majorité des employés et non pas des indépendants comme c’est le cas au Québec, sont au chômage technique ou partiel. Les ventes du premier trimestre de 2020 sont en pause et il faudra faire en sorte que les promesses puissent rapidement déboucher chez les notaires pour rémunérer ainsi les collaborateurs. Malheureusement, la crise sanitaire a révélé que de nombreux acteurs n’avaient pas encore intégré le digital, cela génère des lenteurs dans la conclusion de certains dossiers. Les courtiers proposaient déjà des outils dématérialisés et la FNAIM vient de lancer une plateforme d’assistance juridique automatisée gratuite avec signature électronique. Mais les acteurs publics tels que les services de l’État et les collectivités territoriales fonctionnent encore au papier exclusivement. Les notaires quant à eux ne sont informatisés qu’à 40 %.

 

Dans les deux pays, des restrictions d’accès au crédit immobilier ? 

Qu’adviendra-t-il des crédits primo accession (premiers achats) si les taux d’intérêt sont relevés ? Au Québec, on suit de très près ce qu’il se passe au niveau des institutions financières. Pour l’instant, les taux d’intérêt restent très avantageux et ne semble pas bouger, on parle plutôt d’un possible durcissement des critères comme c’est le cas depuis 5 ans. La particularité du Québec, c’est que les principaux assureurs du prêt hypothécaire sont l’État et le Gouvernement fédéral. Ajoutons à cela l’exemple de voisins américains allergiques aux taux d’intérêt et tout porte à croire qu’il n’y aura pas de chamboulement à ce niveau. 

Chez les Français, il est difficile de connaître l’évolution des valeurs de l’immobilier puisque le marché est suspendu. Cependant, il est important de se mettre à la place du banquier : sa préoccupation principale est de savoir s’il est sécurisé sur la valeur qu’il va financer. Les taux d’intérêt ont légèrement augmenté, mais le Gouvernement est attentif à ce que l’industrie du bâtiment ne se retrouve pas en difficulté parce que les acquéreurs ne sont plus financés par les banques. 

 

Acheter ou louer : qu’est-ce qui devient le plus avantageux ? 

À Montréal, le premier trimestre a atteint des records de prix. On peut s’attendre à une régulation post-confinement, mais pas vraiment à une chute. Les économistes prédisent une diminution de 30% des ventes d’ici la fin 2020 avec une diminution moyenne des prix de 3% mais projette une augmentation des prix de 9% dès 2021. Il faut aussi faire attention à ne pas trop comparer avec les chiffres de 2019 qui reste une année exceptionnelle. 

Pour la location, on voit de nombreuses offres longues durées apparaître ces derniers jours, résultat de la remise sur le marché de tous les Airbnb. Mais les prix restent très élevés vu que nous sommes dans une crise du logement qui date d’avant la pandémie : cela vaut plus le coup pour les particuliers d’acheter que de louer. 

Pour la France, on se souvient de la crise économique de 2008 qui avait engendré une baisse en volume de 25% et dans l’année suivante une baisse des prix de 9% qui s’est progressivement rétablie. Cependant, 2019 a aussi été une année record donc si on perd 30% des ventes on reviendrait également à des niveaux normaux. 

Côté locatif, la politique gouvernementale visant à maintenir le revenu de l’ensemble des français permet aux locataires de continuer à payer leur loyer. Pour les investisseurs, ceux qui ont choisi Airbnb ou les bureaux risquent d’être fortement impactés alors que pour ceux qui ont maintenu leur immobilier dans le logement de la famille en sortiront renforcés. On peut alors s’attendre à ce qu’à la sortie de confinement l’investissement locatif soit plus prisé pour son aspect sécuritaire. 

 

Les entreprises du secteur immobilier vont-elles survivre ? 

Pour 2020, une disparition de plus de 3.000 entreprises du secteur immobilier en France est tout à fait envisageable. À la FNAIM, 36% des adhérents faisant de la transaction pure avaient seulement 30 jours de trésorerie devant eux. Malgré les mesures gouvernementales mettant à l’abri des charges, le décalage entre la reprise d’activité, la réalisation du travail et l’encaissement des honoraires suffira à voir disparaître des compagnies. On parle de 20.000 emplois détruits.

Au Québec, il est plus difficile de donner un chiffre puisque l’on parle de travailleurs autonomes. L’APCIQ, qui représente 90% des courtiers du Québec soit 12.500 courtiers, évoque une perte de 4% pendant la crise économique de 2008. Dans le contexte actuel, on peut estimer une perte de 4 % à 12% dépendamment de la durée de la crise. Il est très probable que les personnes qui vont se trouver en difficulté l’étaient déjà avant le confinement.

Grâce à cet échange, on peut voir que les principales différences entre les deux pays viennent du fait qu’au Québec la profession de l’immobilier parle d’une voix unique, sans opposition entre le courtier et l’agence. Cela permet une unité vis-à-vis des organismes publics et de la protection des consommateurs qui donne de l’optimisme concernant la façon de gérer la reprise. Les liens entre les différents acteurs sont renforcés, et les nouveaux outils qui ont émergé vont probablement rester. 

En France, la FNAIM est très écoutée par les pouvoirs publics. Les syndicats professionnels n’ont jamais été aussi utiles qu’aujourd’hui, cela permet de prendre conscience de leur utilité et de leur engagement. 

N’hésitez pas à contacter votre courtier si vous avez des inquiétudes ou des interrogations.

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