En histoire du Canada, le frère Proulx nous a appris que pour éviter à Montréal d’être mise à feu et à sang, le marquis de Vaudreuil, gouverneur de la Nouvelle-France et, selon la rumeur, marquis de naissance, se précipita à la maison des Ramezay pour, espérait-il, négocier une capitulation honorable devant le général Amherst avant qu’il ne soit trop tard. Or, il n’y avait rien à négocier. Le sort de la Nouvelle-France était scellé. Mais pour préserver les « honneurs de la guerre »1, le marquis courut la pédale au fond.
Les vingt minutes qui scellèrent le sort de l’Amérique française
Vu de mon pupitre qui donnait sur le jardin des frères, là où je n’entendais plus rien sauf les Beatles, je me demandais de quels honneurs de la guerre pouvait-on parler. En vertu de quelle principe ou convention tordue pouvait-on inclure la notion d’honneur dans la balance quand on a subi pareille dégelée? Qu’y a-t-il à demander si tu perds dix à zéro un bon soir contre Chicago? Une des trois étoiles du match pour y avoir participé? À mes yeux d’alors, la question se posait d’autant que la bataille des Plaines d’Abraham dura un gros vingt minutes ou l’équivalent d’une période de hockey, sans les escarmouches devant le filet et les publicités. Le sort de l’Amérique-française et, par ricochet, celui de l’Amérique du Nord, s’est joué en claquant des doigts. Comme on dit à Paris, and ze reste is history.
Honneurs de la guerre, dites-vous ?
Pour que les choses soient claires, la capitulation fut rédigée en français, oui, madame. Le lendemain, au matin du 8 septembre 1760, devant le vieux séminaire des Sulpiciens, (il y est toujours), sur l’ancien chemin du Roy (devenu la rue Notre-Dame), en face de l’actuelle Place des Armes (d’où le nom parce qu’on y rendit les armes et non parce qu’on les avait prises), au nom du roi de France, on céda ma bien aimée Montréal au roi d’Angleterre. Du coup, la capitulation mit un terme à la guerre de Sept ans et dressa la table pour le traité de Paris 2 qui allait assurer la paix entre la France, l’Angleterre, l’Espagne et le Portugal. Jusqu’à ce que Napoléon, qui voulait plus que tout se faire un nom, entrât en scène.
Les « honneurs de la guerre », tu parles… À Rosemont, dans Hochelaga et Maisonneuve, jusqu’au parc Frontenac et même dépassé le pont Jacques-Cartier, en marchant jusqu’à Viger, tous les morveux des ruelles qui étaient nos-ennemis-jurés-sans-qu’on-ne-sache-pourquoi, se seraient bidonnés pendant des années si un seul d’entre nous avait osé parler d’honneur de quelque nature que ce fût. Dans la défaite, le seul honneur qui soit est d’avaler sa pilule, d’aller licher ses plaies et rentrer souper. Me semble que c’est déjà assez……
Ma plume est liée à mes pas…et mes pas sont dans Montréal…
Tel fut le premier grand choc culturel de ma vie : dans la manière de conduire la guerre. Un face à face brutal avec la France. Ma France adorée. France Duclos d’abord et la France en France ensuite. Celle de Jules Verne, d’Alexandre Dumas, père des Trois Mousquetaires. La France des mots drôles comme Dordogne.
Je m’égare. Nathalie m’a demandée de pondre un texte pour le blog de Via Capitale du Mont-Royal qui accompagnerait les épisodes de la série Un amour de quartier. M’ suis dit : why not ? Alors, contextes historiques, souvenirs, anecdotes, histoires vraies ou inventées, légendes de quartiers : ma plume ira là où sont allés mes pas, pourvu que ce soit à Montréal, parce que je ne connais rien d’autre que ça.
Tourlou,
Maurice
NB : On aura compris que l’épisode jumelé à ce texte est le vieux Montréal
1– Dans la tradition de chevalerie, on dit des honneurs de la guerre qu’en raison de leur courage les vaincus peuvent conserver leurs armes et quitter la tête haute. Une patente que seuls des Français peuvent comprendre. Mais dans la tradition hochelagaïenne, tu ramasses tes clics, tes clacs, pis tu dégages en ta…
2– http://banq.pretnumerique.ca/accueil/resources/5265768d1dab10c297306094