Pour raviver les souvenirs nostalgiques des histoires de l’âge d’or du Plateau Mont-Royal, nous vous offrons cette anecdote personnelle de notre photographe de rue Maurice Nantel.Bonne lecture!

Une fois le générique de cette vidéo terminé et mon inscription à la prestigieuse «Mostra de Denise» complétée dans la catégorie Don’t call us we’ll call you, je jonglais avec quelques souvenirs pour aborder le présent texte. Dans mon calepin noir, j’avais écrit: «La fois où ma matante Laurette a tenu la sacoche de la jeune Ginette Reno qui, même enfant, chantait à l’impromptu certains dimanches à la grand messe d’onze heures de l’église Immaculée-Conception sur Papineau, au coin de Rachel». Pour résumer, ma matante Laurette, tenant la sacoche de la Diva, tomba en pleine face aux pieds du père de La Sablonnière et s’est mise à saigner abondamment du nez. C’était le dimanche de Pâques. Ginette Reno termina l’Ave Verum Corpus sur une note angélique sans que rien n’y paraisse.  En vraie professionnelle, rien ne pouvait la distraire, disait-on – et elle n’avait pas encore vingt ans! Imaginez la suite! 

Selon ma grand-mère, Louvina, Ginette Reno serait plus grande encore qu’Alys Robi, qui, à ses dires, faisait parfois trop dans les plumes d’autruche sortis du popotin pour ressembler à Carmen Miranda.  Or, Ginette Reno, la p’tite Piaf du Plateau Mont-Royal, était déjà dans la grâce du bon Dieu en raison de ce vibrato venant du cœur, jamais forcé, que seules les grandes de ce monde devaient à la Divine bienveillance. Alors que l’église applaudissait encore Ginette Reno a tout rompre, on escorta ma matante Laurette par l’allée centrale sur une belle civière chromée jusque dans l’ambulance et enwoye à l’urgence de l’hôpital Notre-Dame, située juste deux rues plus bas.

 À l’hôpital, on rassura mon grand oncle ti-Tur (Pierre-Arthur) en lui disant que ce n’était que de la «nervosité féminine», clin d’œil entendu entre messieurs pour parler de ces malaises typiquement féminins.  Ti-Tur revint tout ragaillardi chez ma grand-mère pour la grande table du dimanche midi et après quelques verres on se mit à chanter les plus belles de l’epoque, Trenet en particulier.  Puis, mon oncle Lorenzo entamma Amapola et Laurette reprit ses couleurs en essuyant une larme. C’était l’printemps et s’a rue Chambord les Nantel étaient contents.

Dans mon carnet noir, j’ai aussi retrouvé quelques lignes pour évoquer le fameux «week-end rouge». Un autre «Événement d’octobre», mais octobre 1974 celui-la ; je veux parler du grand incendie qui détruisit une bonne partie du Faubourg a’m’lasse.  Mais ça sera pour une autre fois, si vous êtes sages, quand la lignée des pompiers Nantel entrera en scène pour faire image.

Maurice Nantel